Uvéite
L’uvéite provoquée par un virus est un cas clinique rare, contrairement aux maladies virales affectant la surface oculaire et la cornée.
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INTRODUCTION
Cependant, l’uvéite induite par un virus est assez souvent associée à des complications telles que la cataracte secondaire et le glaucome, ou à une évolution chronique sous forme de récidives fréquentes. Ainsi, l’uvéite virale joue un rôle important dans le quotidien clinique aussi bien que dans celui des patients affectés. Dans un premier temps, nous ferons une brève différenciation des maladies de la surface oculaire, suivie d’une présentation des différentes formes d’uvéite virale.
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MALADIES VIRALES DE LA SURFACE OCULAIRE
Parmi les maladies virales de la surface oculaire, la conjonctivite causée par l’adénovirus ou le virus de la grippe, est la plus fréquente. Cela est dû à sa forte contagion et à sa propagation rapide, à l’instar du virus de la grippe ; ce qui lui a valu le nom de « conjonctivite épidémique ». Comme toutes les maladies adénovirales, la conjonctivite épidémique guérit spontanément. Il n’existe pas de traitement spécifique. Il arrive cependant que la cornée soit attaquée et qu’une inflammation se développe, ce qui peut parfois avoir pour conséquence d’importants des troubles visuels. Mais dans la plupart des cas, cette inflammation s’arrête assez rapidement, sans formation de cicatrices graves, de sorte que des troubles visuels permanents sont peu probables. C’est ce qui la distingue d’une infection herpétique de la surface de l’œil, qui attaque d’abord les paupières, puis la conjonctive et enfin la cornée. Elle est généralement récurrente et provoque souvent des troubles visuels considérables à long terme. L’infection herpétique des paupières et de la surface oculaire passe souvent inaperçue. Le diagnostic de kératite dendritique (inflammation arborescente de la cornée) n’est posé que lorsque la cornée est impliquée et présente le motif arborescent typique. Cela caractérise l’infection herpétique de la cornée, et elle peut ainsi être diagnostiquée avec certitude. Elle guérit sans laisser de cicatrices, mais il y a généralement récidive au cours de la maladie et, un jour ou l’autre, le virus de l’herpès arrive à pénétrer encore plus profondément les couches de la cornée. L’inflammation de la cornée qui se développe alors, ne guérit plus sans cicatrice. Le risque d’encourir des troubles visuels permanents est donc considérable, et un diagnostic et traitement précoces sont essentiels. L’œil intérieur peut être touché au début ou pendant l’évolution ultérieure de la maladie. Une kératovite dite herpétique, dont nous parlerons plus loin, se développe alors.
Parmi les autres maladies de la surface oculaire, le zona ophtalmique aussi appelé zoster ophthalmicus, occupe une place importante. Il n’atteint heureusement que rarement l’intérieur de l’œil. Cependant, s’il se déclare, des complications à long terme et des récidives fréquentes sont à craindre. Le danger d’une atteinte de l’intérieur de l’œil est reconnaissable à la présence de cloques de zona dans la région nasale. Dans ce cas, le risque que l’intérieur de l’œil soit touché est très élevé. En règle générale, le zona ophtalmique ne touche pas les personnes jeunes et en bonne santé, mais s’attaque plutôt aux personnes âgées, ou souffrant d’un déficit immunitaire, voir atteints de maladies tumorales. Dès qu’un érythème facial est suspecté, il faut consulter l’ophtalmologue sans délai pour empêcher toute atteinte de l’intérieur de l’œil. En plus, il est fortement recommandé de démarrer un traitement antiviral le plus tôt possible, car le risque de séquelles graves est très élevé en cas de non-traitement du zona. Cela s’applique également en l’absence d’atteinte des yeux. En cas de doute, le médecin de famille doit être systématiquement consulté.
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L’UVÉITE INDUITE PAR LE VIRUS
L’uvéite induite par le virus est difficile à diagnostiquer et constitue donc probablement un tableau clinique rare, mais est malheureusement aussi rarement diagnostiquée. Il n’existe pas de critères clairs, et le diagnostic ne peut généralement pas s’appuyer sur des tests de laboratoire, de sorte qu’il n’est souvent posé qu’au cours de la maladie, par le biais de récidives. Comme pour toute forme d’uvéite, la classification se fait en uvéite antérieure et postérieure, et son évolution dépend en premier lieu du système immunitaire du malade et des possibles complications dues à sa localisation. Les virus en cause sont différents chez les patients immunocompétents et chez les patients atteints d’une immunodéficience, et l’évolution est fortement tributaire du système immunitaire du malade, de sorte que ses défenses sont un facteur décisif dans l’évolution de la maladie. Les problèmes typiques liés à l’uvéite antérieure sont, d’une part, l’atteinte de la cornée (kératouveite), le glaucome secondaire, l’atteinte de l’iris avec adhérence de la pupille et la cataracte secondaire (cataracta complicata). Elle conduit principalement à de graves opacités vitreuses inflammatoires et comporte un risque élevé de décollement de la rétine. C’est probablement le système immunitaire lui-même qui cause les dommages en cas d’uvéite virale chez des individus immunocompétents, alors que c’est le virus qui est responsable des lésions tissulaires chez les patients présentant des défauts immunitaires (infection par le VIH ou immunosuppression sévère). L’uvéite virale les patients immunocompétents diffère fondamentalement de celle des patients atteints d’immunodéficience. Cela se reflète également dans le spectre des virus impliqués. Chez les patients immunocompétents, il s’agit généralement du virus de l’herpès simplex (HSV) et du zona ou du virus varicelle-zona (VZV), tandis que chez les patients immunodéficients, ce sont principalement le virus varicelle-zona et le cytomégalovirus (CMV) qui sont responsables de l’apparition de l’uvéite virale.
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LES VIRUS QUI PEUVENT PROVOQUER L’UVÉITE
Les adénovirus sont certainement les virus qui touchent le plus fréquemment l’œil. On sait que certaines souches provoquent régulièrement, non seulement des symptômes grippaux, mais aussi des conjonctivites (types 1, 7, 8, 19). Cependant, l’uvéite adénovirale n’a pas encore été diagnostiquée.
Les virus de la famille des herpès, en particulier le virus herpès simplex de type 1 (HSV-1) et le virus varicelle-zona (VZV), sont les virus les plus fréquemment diagnostiqués en relation avec l’uvéite. Les autres virus de la famille des herpès (HSV-II, CMV ou cytomégalovirus et le virus Epstein Barr (EBV)) ne seraient pas capables de provoquer une inflammation de l’intérieur de l’œil chez les personnes immunocompétentes. Toutefois, chez les patients immunodéficients, ces virus – en particulier le CMV- peuvent provoquer une uvéite grave pouvant conduire à la cécité et même à la destruction de la rétine. L’EBV est connu pour affecter la glande lacrymale. L’uvéite causée par l’EBV a été suspectée à maintes reprises dans le passé, mais n’a jamais encore été prouvée. Le virus de la rougeole et des oreillons ne joue probablement aucun rôle dans le développement de l’uvéite, mais un lien possible avec une certaine forme d’uvéite (cyclite hétérochrome de Fuchs) a récemment été démontré dans un grand nombre de cas. Si ces résultats se confirment, le virus de la rubéole devra être pris en compte comme cause possible de l’iritis.
Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) n’est que rarement responsable d’une uvéite antérieure non spécifique. Chez les patients atteints du VIH et du SIDA, l’uvéite est généralement une question d’immunodéficience et d’infections dites opportunistes. Celles-ci comprennent l’infection par le cytomégalovirus (CMV), le virus varicelle-zona (VZV), le virus Epstein Barr (EBV), qui est également associé à certaines tumeurs malignes, généralement des lymphomes qui peuvent être confondus avec l’uvéite, et, enfin, le HHV-8, qui ne peut pas provoquer d’uvéite mais peut être à l’origine de sarcomes de Karposi.
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L’uvéite virale des segments antérieurs de l’œil
Si l’on parle d’uvéite virale des segments antérieurs de l’œil, on mentionne généralement l’uvéite causée par le HSV-1 ou le VZV. Il s’agit généralement d’une inflammation essentiellement cellulaire de l’iris avec une irrigation accrue de l’iris. Des saignements dans les tissus de l’iris, qui, s’ils sont présents, sont presque concluants pour le diagnostic de l’uvéite herpétique, ainsi qu’un glaucome secondaire qui l’accompagne dans près de la moitié des cas. Toutes les autres formes d’uvéite virale antérieure sont rares et ne seront donc pas abordées dans ce contexte.
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L’UVÉITE VIRALE POSTÉRIEURE
La maladie virale du segment postérieur de l’œil est le plus souvent une maladie grave, comportant un risque élevé de cécité et revêt, chez les personnes immunocompétentes, un caractère aigu. Elle est causée par les virus de la famille des herpès, en particulier l’herpès simplex de type 1 et le virus varicelle-zona. Sur le plan clinique, elle se présente sous forme d’inflammation aiguë, c’est-à-dire d’une inflammation progressive de la cavité vitréenne en quelques heures à quelques jours, rendant un examen de la rétine pratiquement impossible, et peut aboutir à une déficience visuelle des plus sévères. Comme elle touche généralement des personnes en bonne santé, qu’elle n’est qu’unilatérale à son début et qu’elle ne s’accompagne pas d’autres symptômes reconnaissables, elle n’est souvent pas diagnostiquée aux premiers stades de la maladie, lorsqu’elle peut encore être traitée. Seul un traitement antiviral, le plus tôt possible, comporte une chance de conserver la fonction résiduelle et d’éviter un décollement de la rétine. Toutefois, le décollement de la rétine est à prévoir dans 70 % des cas malgré le traitement, en raison des graves lésions rétiniennes causées par la maladie virale d’une part, et des altérations inflammatoires du vitré d’autre part, qui ont pour conséquence un rétrécissement du vitré et une déchirure de la rétine. Les pronostics quant au traitement de ce décollement de la rétine sont généralement mauvais, de sorte que dans la plupart des cas, seule la préservation du globe oculaire peut être obtenue. C’est pourquoi, un traitement systémique à forte dose de cortisone doit être instauré le plus tôt possible, au début du traitement virostatique, pour garder la réaction inflammatoire sous contrôle et pour peser sur le rétrécissement aigu du corps vitré. Dans 1/3 des cas, il faut s’attendre à une atteinte du deuxième œil s’il n’est pas traité. Le seul diagnostic différentiel de la nécrose rétinienne aiguë est l’uvéite dans la maladie de Behçet, qui est aussi aiguë et peut entraîner de graves troubles visuels. Toutes les autres maladies en question sont moins agressives et plus longues, de sorte qu’elles se différencient elles-mêmes de manière assez fiable.
L’infection du deuxième œil peut survenir longtemps après la disparition de l’inflammation du premier, si la thérapie virale n’est pas poursuivie pendant au moins trois mois. On ne sait pas pourquoi certaines personnes développent une forme de la maladie qui menace la vision alors que d’autres ne présentent aucune atteinte oculaire en dépit d’herpès récurrents. On suppose que cela est lié à l’agressivité des virus d’une part, mais aussi à la résistance spécifique du patient au virus d’autre part. Cependant, toutes les enquêtes menées jusqu’à présent n’ont apporté aucune preuve qu’il s’agissait uniquement de personnes présentant un déficit immunitaire. La situation est différente dans le cas de la rétinite virale chez une personne immunodéprimé. Chez les patients sortant d’une chimiothérapie contre le cancer, elle est généralement causée par le VZV, tandis que les patients souffrant d’une immunosuppression sévère et du SIDA sont plus susceptibles de développer une rétinite à cytomégalovirus. Contrairement à la nécrose rétinienne aiguë chez les patients immunocompétents, celle-ci commence généralement en périphérie et se propage comme un feu de paille en quelques jours ou quelques semaines, de la rétine vers le centre, sans provoquer d’inflammation grave de la cavité vitréenne. Contrairement à la nécrose rétinienne aiguë, la rétine peut être très bien être examinée, et le diagnostic peut être clairement établi par quiconque l’a rencontrée une fois. Comme l’infiltration vitreuse inflammatoire sévère est absente et que la dégradation de la rétine est beaucoup plus lente que dans la nécrose rétinienne aiguë d’un patient immunocompétent, le risque de décollement de la rétine est relativement faible, environ 15 %. Néanmoins, une surveillance étroite, un traitement viral de longue durée, et une prévention des récidives sont nécessaires jusqu’au rétablissement de l’immunocompétence, afin d’éviter la cécité et l’atteinte du deuxième œil. En tout état de cause, s’agissant d’une personne atteinte d’une telle maladie, et pour laquelle aucune déficience immunitaire n’est connue, il convient de définir davantage son immunité, y compris par un test VIH, afin d’éviter d’autres complications dues à une déficience immunitaire.
Enfin, il convient de mentionner dans ce contexte des lymphomes intraoculaires, la pseudo-uvéite ou le « uveitis masquerade syndrome ». Il s’agit d’un phénomène jusque-là rare, qui se rencontre de plus en plus souvent et, qui est généralement diagnostiqué à tort comme une uvéite, puisqu’il est également associé à une importante accumulation de cellules inflammatoires à l’intérieur de l’œil. Seul un diagnostic précoce peut garantir une survie durable. Cette maladie est probablement aussi causée par des virus.
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RÉSUMÉ
L’uvéite virale est une maladie rare et encore plus rarement diagnostiquée, qui est principalement causée par les virus de la famille des herpès. L’uvéite antérieure s’accompagne généralement d’une attaque sectorielle de l’iris, survenant après une atrophie de l’iris et une augmentation de la pression intraoculaire. Les rechutes sont fréquentes. L’uvéite postérieure, causée par des virus, est également principalement liée à l’herpès. On distingue la nécrose rétinienne très aiguë résultant d’une infestation virale chez les individus immunocompétents et la rétinite virale chez les patients immunodéficients, qui est beaucoup moins agressive, mais présente néanmoins un risque élevé de cécité. La grande difficulté du diagnostic de l’uvéite virale est qu’il n’existe pratiquement pas de tests permettant de confirmer le diagnostic. Il est donc basé principalement sur l’expérience clinique de l’examinateur, bien qu’il existe des signes marquants de la maladie. Une fois le diagnostic établi, un traitement antiviral est commencé et permet généralement de garder l’infection virale sous contrôle. Mais il faut également traiter la réaction du système immunitaire, qui, dans le cas des maladies virales, entraîne souvent une destruction tissulaire plus importante que l’infection virale elle-même. La thérapie antivirale n’a aucun effet sur les complications secondaires de l’uvéite virale, qui doivent être traitées indépendamment. Celles-ci comprennent notamment le glaucome secondaire dans l’uvéite antérieure et le décollement de la rétine dans l’uvéite postérieure.